On ne peut mieux introduire cette notice qu’en reproduisant in-extenso une partie de l’avant-propos de notre livre L’Imprimerie à Chartres, I. Des origines aux premiers temps de la Restauration, Chartres, SAEL (Société Archéologique d’Eure-et-Loir), 2007, p. 9-12 :
« Pendant près de quarante années, cette histoire [du livre et de la presse] n’a cessé d’orienter les curiosités et les recherches de l’auteur de ce livre, tout autant intéressé par l’histoire des journaux et des journalistes, que par celle de l’imprimerie. Tout juste enfant des années 1940, il lui était souvent arrivé de faire de courts séjours chez les Blin, ses cousins chartrains de l’imprimerie Durand. Dans ses souvenirs, voisinent complètement liés l’odeur de l’encre et de la graisse chaude des machines, leur ronronnement régulier accompagné par les sonneries de la cathédrale. L’empreinte fut profonde. Quand il lui fallut faire ses premières armes d’historien, il décida tout naturellement de se consacrer à l’histoire des [imprimeurs] Le Tellier-Durand. Il y fut encouragé par Marcel (1899-1966) et Georges Blin (1924-2003) qui le laissèrent très libéralement travailler dans les papiers et les registres de la famille Durand, alors que la vieille imprimerie venait d’émigrer des anciennes maisons canoniales du cloître Notre-Dame, vers les bâtiments modernes et fonctionnels de Luisant.
« Après cette entrée dans l’histoire de l’imprimerie chartraine, il n’en devait plus sortir, alors qu’il élargissait le champ de ses recherches au monde des médias. Ce fut d’abord au début des années 1970, le temps du Glaneur, Journal d’Eure-et-Loir, une feuille libérale et anticléricale parue à Chartres au temps de la monarchie de Juillet et de la deuxième République, entre 1830 et 1851. Ne disposait-il pas de toutes les dépenses d’impression et chiffres de tirage de ce journal, grâce aux archives de son imprimeur ? N’avait-il pas aussi à sa disposition sa collection presque complète ? Il doit cependant s’excuser auprès des mânes des deux amis l’imprimeur Félix Durand et le journaliste républicain Aimé Sellèque, de ne pas avoir mené à bien ce projet de thèse.
« Très vite, il était apparu que pour comprendre Le Glaneur, il fallait le situer dans son environnement de presse. Ce journal départemental vivait en relations étroites avec la grande presse parisienne de son temps, dont il tirait l’essentiel de son contenu politique. D’où des travaux sur les correspondances politiques concurrentes de l’agence Havas à ses débuts, qui proposaient des articles politiques et des publicités aux feuilles départementales. D’où d’autres recherches sur la diffusion nationale des quotidiens parisiens si présents dans Le Glaneur.
« À la fin des années 1970, Le Glaneur, toujours lui, mais aussi l’histoire des imprimeurs Durand renvoyaient vers un autre chantier. Le Glaneur ne se pouvait comprendre sans une histoire préalable de la presse en Eure-et-Loir. La bibliothèque de la famille Durand conservait deux années reliées de la Gazette de France réimprimée à Chartres par l’imprimeur Nicolas Besnard (1743-1744). On savait que la Gazette, le premier des journaux français, fondé en 1631 par Théophraste Renaudot au temps de Richelieu, avait été réimprimée dans quelques grandes villes de province jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Il paraissait surprenant que Chartres, si proche de Paris, ait bénéficié d’un tel avantage. Il apparut assez vite qu’il convenait de faire l’histoire de ces réimpressions, une histoire où se mêlaient recherche de nouvelles sources – les concessions du droit de réimprimer la Gazette passées devant les notaires parisiens –, recherche et description attentive des collections de ces réimpressions. Tout cela finit par aboutir sur une première thèse publiée en 1982, dans laquelle on présentait le travail des imprimeurs sur les divers formats de la Gazette pour économiser le papier et la proposer moins cher à ses abonnés et où l’on réfléchissait sur les conditions de diffusion de la presse de l’Ancien Régime. Conditions d’impression, conditions de diffusion par réimpressions et plus tard par abonnement postal : ainsi était développée une histoire matérielle de la presse qu’on n’allait plus cesser de traiter par la suite. Soutenue en 1994, une thèse d’État mettait en perspective les innovations de Théophraste Renaudot en proposant une histoire de l’annonce, c’est-à-dire de la publicité par affiches, billets et feuilles d’annonces, et une histoire de la nouvelle, c’est-a-dire de l’information. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’annonce et la nouvelle se réunissaient pour donner naissance à de nouveaux journaux d’annonces, les Annonces, affiches et avis divers se multipliant dans les provinces, y compris à Chartres en 1781, avec les Annonces du pays chartrain de Jean-François Lacombe.
« On le comprend, l’histoire des médias n’a cessé de retenir l’attention de l’auteur de cet ouvrage, qui toujours continue d’enquêter et de publier sur la presse, le journalisme mais aussi l’imprimerie de presse – notamment sous la Révolution et au temps de la mécanisation, dans la première moitié du XIXe siècle. Ses deux thèses ayant présenté un tableau des origines de la presse provinciale, il lui parut opportun de continuer ce travail pour la période révolutionnaire. »